Depuis des années la presse se fait l'écho complaisant du discours lénifiant de notre haute administration et des industriels de l'éolien (j'ai hésité à écrire "des prédateurs de l'éolien") en nous promettant monts et merveilles au niveau de l'emploi dans notre beau pays (dormez tranquilles, bonnes gens ! nous nous occupons de tout, la protection de la planète et l’assurance de vos emplois….)
En écrivant ce billet d'humeur j'ai sous les yeux le très beau document publicitaire édité par Iberdrola à l'occasion du Débat Public en 2015. Tout le projet y est magnifiquement décrit, suivez le guide :
(texte en noir : Ailes Marines, en bleu : commentaires Fréhel Environnement / UPEEL) :
La zone d’implantation du parc, fruit de la concertation menée par Ailes Marines (dans le périmètre de 180km2 défini et neutralisé par l’Etat sans aucune concertation ni études d’impact préalables, Ailes Marines a effectivement retenu une zone d’implantation de 75km2) au travers de près de 400 réunions avec les acteurs du territoire (dont les marins pêcheurs à l’époque, mais aussi les élus du littoral)
Les éoliennes tourneront 95% du temps : début de rotation avec un vent de 11km/h, puissance nominale atteinte à 43km/h, arrêt machine quand le vent dépasse 108km/h. Nous ne contesterons pas cette valeur de 95% : il est possible que 95% du temps le vent en mer dépasse 11km/h (qu’en pensent les « voileux » ?) mais la valeur intéressante n’est pas celle-là, c’est le « taux de fonctionnement » de 39% (rapport moyen entre la puissante produite et la puissance installée sur une année), annoncé par Ailes Marines (et repris dans le rapport de la commission d’enquête publique) qui exprime la réalité : jusqu’à 43km/h de vent les éoliennes ne produisent pas leur puissance nominale, et, en dessous de 11km/h et au-dessus de 108km/h elles ne produisent rien du tout. Sans compter que toutes les éoliennes ne fonctionneront pas en même temps pour raison de maintenance (qui n’a jamais vu dans des parcs éoliens terrestres des machines à l’arrêt quand les autres tournent ?). Si nous insistons tellement sur ce coefficient c’est parce qu’il est une promesse : quand Ailes Marines donne cette valeur il contredit son affirmation de produire 1 850 000 MWh par an (496MWx39%x8736h/an = 1 690 000 MWh, l’écart est faible direz-vous, certes mais à force de petites erreurs glissées ici où là, on en arrive à claironner dans la presse (qui ne demande pas mieux de s’en faire l’écho sans aucune vérification) qu’on va fournir de l’électricité à 850 000 habitants, chauffage électrique compris !
Réseau de câblage inter-éoliennes : tension 66kV. Les câbles relient les éoliennes à la sous-station électrique en mer. Ils seront ensouillés lorsque les conditions de sol le permettent, dans le cas contraire ils seront protégés par des enrochements.
Sous-station électrique en mer : au centre du parc, posée sur jackets (30m x 20m, 30m de hauteur environ), comprend les transformateurs de puissance élevant la tension de 66kV à 225kV.
La liaison sous-marine de la sous-station électrique en mer au point d’atterrage à Erquy : 33km (dont 700m sur estran) de double liaison 225 000V. (la distance entre les deux câbles n’est pas encore connue de nous : sous la mer elle devrait être assez importante pour des raisons de sécurité mais sous la plage et jusqu’au poste de jonction l’écart devrait être plus faible).
L’atterrage sur la plage de Caroual à Erquy : choix de moindre impact validé par la concertation préalable de 2013, de nombreux acteurs du territoire représentés : préfecture, élus, services de l’état, associations (citer les associations est tout simplement honteux), un arbitrage multi-critères (sic) permettant un impact minimal sur l’environnement et les usages de la mer. L’utilisation des parkings de stationnement en proximité immédiate de la RD 34.
La liaison souterraine du point d’atterrage d’Erquy au poste électrique de la Doberie à Hénansal : 16km de double liaison 225 000V, 3 communes sur l’itinéraire : Erquy, St Alban et Hénansal. Une concertation avec le milieu agricole et les gestionnaires de voieries (ceux qui, parmi le monde agricole se sont élevés contre le passage des câbles sur leurs terres se sont vus opposer « l’intérêt national »)
Ce qui n’est pas traité dans ce document parce que hors lot Ailes Marines mais que nous allons avoir à payer en plus c’est le doublement du poste haute tension de La Doberie par RTE (quelques millions d’euros supplémentaires, au point où nous en sommes !... et des terres agricoles en moins).
La décision d’autoriser la navigation au sein du parc, ainsi que ses modalités (distances de sécurité…) n’est pas du ressort d’Ailes Marines, qui le souhaite néanmoins, pour peu que toutes les conditions de sécurité requises soient réunies. Au terme de l’instruction des demandes d’autorisation, c’est la Préfecture Maritime de l’Atlantique qui définira les conditions de navigation à l’intérieur du parc, après avis des autorités de surveillance et de la Commission nautique. Elles devront permettre d’assurer la sécurité des usagers de la mer, dont celle des plaisanciers, en toutes circonstances. (Voilà, c’est dit, l’Etat devra prendre ses responsabilités. Pour l’instant le Préfet Maritime affirme qu’il sera possible de pêcher au sein du parc ce qui évite la confrontation avec les pêcheurs sur ce point. Quand le parc sera construit on attendra le premier incident pour reconsidérer le problème ?)
Le projet éolien en mer de la Baie de Saint-Brieuc utilisera des éoliennes et des fondations de fabrication française, participant à la naissance d’une nouvelle filière industrielle, tournée vers l’export et forte de plusieurs milliers d’emploi. (quand je lis cette phrase, je ne sais pas vous, mais moi ça me donne des frissons patriotiques, j’entends la Marseillaise ! malheureusement il faut déchanter comme on va le voir ci-dessous)
Rappelons les promesses (qui n'engagent que ceux qui les croient, bien entendu) faites par Ailes Marines :
Pour le projet de Saint-Brieuc, 2000 emplois directs mobilisés dans le Grand Ouest, dont un potentiel de 1000 en Bretagne :
Remarquez l'introduction : "Pour le projet de Saint-Brieuc, 2000 emplois mobilisés..." (et non créés, il faut savoir lire !). En fait les 2000 emplois dont il est question ici étaient programmés pour l'ensemble des 6 parcs éoliens en France (et non pour le seul parc de St Brieuc) et on cherche encore à comprendre où sont ces emplois : les 750 emplois de la première ligne devaient être créés au Havre (et non recyclés comme ça se profile avec la fermeture d’une usine de compresseurs Siemens au Havre et le transfert potentiel d’une partie des 300 emplois supprimés vers la future usine d’éolienne, toujours au Havre et d’une autre partie possiblement à Landivisiau ( !!! ) sur la future centrale électrique à gaz construite par... Siemens pour le compte de Total Direct Energie.
Quant aux autres emplois, non seulement ils ont fondu comme neige au soleil (il n'y a plus à Brest qu'un stockage des jackets construits en Espagne alors que la région a dépensé 300 millions d’euros pour l’agrandissement de la zone industrielle) mais ce sont pour la plupart des emplois à durée limitée dans le temps ou des emplois "importés" (installation en mer réalisée par des spécialistes venus de l'étranger avec des équipements spécifiques comme des barges équipées de grues géantes, etc).
Donc récapitulons : de fabrication française il n’y a point, en tous cas pas de fabrication à forte valeur ajoutée, minimum nécessaire quand on prétend créer une filière industrielle nationale capable d’aller concurrencer chinois, danois et allemands sur les marchés étrangers. Autrefois nous savions fabriquer des turbines, des transformateurs, des câbles, aujourd’hui les turbines seront allemandes, les câbles norvégiens et même les jackets, qui ne sont que de l’assemblage métallique seront réalisés en Espagne !
Où est la grande filière industrielle de l’éolien français ?
Où sont les milliers d’emplois promis ???
Comment justifie-t-on les sommes vertigineuses dépensées au profit de sociétés étrangères *?
Pourquoi omet-on de parler de la centrale à gaz de 500MW à Landivisiau (fourniture Siemens !) alors qu’elle fait partie du projet global du « Pacte électrique breton », ajoute quelques centaines de millions d’euros supplémentaires à la dépense et accessoirement va évidemment produire du CO2 ?
*Doit on rappeler que l’Etat a brillamment négocié avec Ailes Marines (Iberdrola) un contrat à prix garanti** de 155 euros / MWh pendant 20 ans (faites le calcul, Ailes Marines affirme produire 1 850 000 MWh / an pour un investissement initial de 2,7 milliards d’euros, champagne !!!)
**Comme le dit le député des Côtes d’Armor Marc Le Fur, « les agriculteurs seraient heureux de bénéficier de tels prix garantis sur vingt ans ! »
Pour Fréhel Environnement et l’UPEEL, Jean-Marie Beaudlet