Situation au 01/01/2022 :
Entretien avec le « sous-préfet expert algues vertes »
Le 20 décembre 2021, les deux coprésidents de HAMV, Annie Le Guilloux et Gilles Monsillon ont été reçus, à leur demande, par Monsieur Etienne Guillet, nommé mi-novembre pour 3 ans « expert eau, algues vertes et transition agroécologique » sur les Côtes d’Armor et le Finistère (suite au rapport de la Cour des Comptes et du Sénat*, ainsi que du jugement du tribunal administratif du 4 juin 2021 qui condamne l’Etat à renforcer le 6ième plan algues vertes).
Monsieur Guillet a reçu, par un membre de sa famille, la bande dessinée d’Inès Léraud : « Algues vertes, l’histoire interdite » et a précisé qu’il s’était pour l’instant gardé de la lire car il souhaitait se faire une opinion sur le sujet par lui-même, sans se laisser « influencer par le parti pris de cette publication » !Ils lui ont remis quelques documents (entre autres la déposition de l’association dans le cadre de la concertation régionale sur le futur plan d’actions régional nitrates). Le sous-préfet a exprimé le souhait de ne pas recevoir trop de choses à lire !Nous pouvons nous interroger sur la façon dont il va se forger une opinion, en faisant un tri préconçu dans ses lectures.
Il reste que ce sous-préfet « expert », omniscient par nature, a indiqué qu’il était déjà en train de rédiger une note au préfet proposant des pistes d’actions !! Nous sommes curieux d’en connaître la teneur. Pour l’instant rien de nouveau concernant de nouvelles voies pour lutter contre les pollutions de l’agriculture intensive en Bretagne alors que la France a perdu 100 000 fermes en 10 ans (2010-2020) au bénéfice des grandes exploitations. Ce modèle productiviste permet de produire en Bretagne sur moins de 5 % de la surface du pays, 60 % de la viande porcine française, 40 % de la volaille et 20 % du lait, soutenu par les banques, les grandes coopératives de production, le syndicat agricole majoritaire de la FNSEA, les chambres d’agriculture… (Le Monde du 20 juillet 2021)
* Ces deux rapports officiels font le même constat : malgré les 120 millions d’euros dépensés par l’Etat en 10 ans, le plan anti algues vertes a atteint ses limites. Seuls les paysans volontaires participent, les autres continuent le modèle intensif encouragé par des subventions beaucoup plus importantes que les aides modestes du plan. Or l’agriculture est à l’origine de 95 à 98 % des nitrates qui alimentent la croissance des algues vertes.
Commission locale de l’eau (CLE)
Vendredi 17 décembre 2021, l’association Halte Aux Marées Vertes (HAMV que nous soutenons) a dénoncé la volonté de Monsieur Jean Luc Barbo, maire de Coëtmieux et président de la CLE du pays de Saint-Brieuc, d’interdire la présence du public lors des réunions de la CLE, présence qui était admise depuis la création de cette instance il y a une vingtaine d‘années.
La mission de la CLE est de s’assurer que la loi est respectée ou que les plans algues vertes sont bien appliqués mais aussi surveiller les taux de nitrate, de phosphore, de pesticides ou de bactéries dans l’eau. Y siègent des élus du territoire, des représentants de l’Etat, mais aussi des agriculteurs, industriels, conchyliculteurs, pêcheurs, associations de protection de la nature ou des consommateurs.
Pour HAMV, qui ne dispose pas de siège au sein de la CLE, cette décision vise à empêcher l’accès aux informations à une association qui se bat depuis 20 ans pour la qualité de l’eau en baie de Saint-Brieuc et qui considère les problèmes traités comme essentiels et d’intérêt général.
Un ou deux représentants de HAMV assistent aux réunions de la CLE en simple auditeur depuis décembre 2020 et l’argument avancé par le président Jean Luc Barbo sur la sérénité des débats ne tient pas puisqu’ils ne s’expriment jamais, le public n’a pas le droit de prendre la parole. Monsieur Barbo s’est défendu en déclarant aux journalistes que c’était la profession agricole qui avait demandé ce huis clos ; comme d’habitude, il s’incline devant le lobby agricole. Nos institutions démocratiques se doivent d’être transparentes et ne pas empêcher l’accès à des informations qui dérangent. Ceci alors que la baie de Saint-Brieuc concentre la moitié des échouages d’algues vertes en Bretagne et que chaque année le bilan de la CLE révèle « une situation alarmante » qu’il s’agisse des nitrates, des phosphates ou des pesticides. Quand la qualité de l’eau se dégrade, la réponse consiste à empêcher les citoyens d’exercer leur droit élémentaire d’être informés sur la politique de l’eau !
En 2021 :
LE RAPPORT DE LA COUR DES COMPTES
Ce rapport est accablant, le bilan sévère.
La juridiction pointe les défaillances d’un système qui, malgré quelques améliorations ici et là, manque cruellement d’ambitions au regard des enjeux environnementaux, sanitaires et économiques.
Comme le laisse entendre la Cour à plusieurs reprises, c’est un système tout entier de production agricole que la Bretagne doit imaginer si elle veut en finir avec ses marées vertes. Si l’État est largement pointé du doigt dans les conclusions de la Cour, la collectivité bretonne n’est pas épargnée. Il lui est notamment reproché de rester trop passive vis-à-vis de la filière agroalimentaire.
En ne favorisant pas, par exemple, le développement des filières économiques pour écouler de nouvelles cultures plus respectueuses de l’environnement.
On mesure déjà à la lecture de ce rapport, le poids qui va peser sur les épaules des nouveaux vice-présidents régionaux à l’agriculture et à l’environnement.
Situation en 2020
FLEAU DES MAREES VERTES Toujours plus d’élevages porcins, toujours plus de pollution, toujours plus d’éleveurs en difficulté
Inlassablement, nous dénonçons les décisions étatiques d’autorisation d’élevage intensif sur la terre bretonne qui n’en peut plus et réagit comme elle peut !
Ce mois de juin 2020 est prometteur, si l’on peut dire…. Dans la zone la plus « brûlante » de la Bretagne, la baie de Saint-Brieuc, dans la commune la plus polluée, Hillion, deux nouvelles extensions porcines ont été autorisées ou en voie de l’être ainsi que nous vous en informions dans le bulletin de janvier dernier. (Extension Le Corguillé pas encore autorisée).
Et ceci dans un contexte d’année 2019 record d’algues vertes depuis 2002, la baie de Saint-Brieuc ayant concentré 70% des surfaces d’algues vertes contre 50% habituellement.
Mais l’omerta qui avait cours jusqu’à ces dernières années se fissure avec les informations qui filtrent au travers des dossiers que traite l’association nationale « Solidarité paysan » en charge de l’aide aux agriculteurs en difficulté. Rappelons que dans ce système d’élevage,
- l’éleveur est otage, plus ou moins consentant, de la coopérative qui est son fournisseur, son client et aujourd’hui sa solution pour l’excédent de lisier et otage de l’établissement bancaire qui lui assure un endettement plus ou moins important (il peut même être colossal, ce qui est le cas dans un des projets d’extension d’élevage d’Hillion où l’exploitant s’est engagé pour un montant de 742000 € sur 15 ans, venant s’ajouter à des prêts en cours),
- dans un contexte de cours mondial du porc toujours fluctuant, à la merci d’une grippe porcine africaine, d’un blocus russe, d’un covid19 et ses conséquences économiques incommensurables, tout événement imprévisible….
-et, quoiqu’il arrive, les porcs doivent être nourris, la banque remboursée, la seule variable d’ajustement étant le revenu de l’éleveur ! A cela il faut ajouter son ressenti, son malaise car il ne peut plus ignorer que l’accroissement du nombre d’animaux et le choix d’un système d’élevage intensif conduisent à une aggravation des dégâts environnementaux. Il ne peut plus ignorer les millions d’€uros consacrés au ramassage des algues vertes, mais aussi les coûts pour la santé, dont la sienne et celle de sa famille.
Car la question de l’azote et ses excédents sont « l’arbre qui cache la forêt » des pollutions multiples imputables à ce système agricole : herbicides, fongicides, insecticides, phosphates, ammoniac (région du monde la plus polluée en ammoniac), protoxyde d’azote, hydrogène sulfuré, cyanure, métaux lourds (ex. cadmium des engrais phosphatés) résidus médicamenteux, qui polluent l’eau, l’air, la terre, les plages, la mer, notre nourriture. **si la partie solide du lisier est orientée vers un méthaniseur (celui de la Cooperl ou celui commun à plusieurs exploitants), ce n’est pas le cas de l’urine des porcs qui est déversée sur les terres, participant à la teneur record en nitrates dans l’eau et en ammoniac dans l’air breton.
C’est pourquoi nous demandons inlassablement à ce que les pouvoirs publics (car les collectivités territoriales financent aussi cette agriculture-là) prennent leurs responsabilités :
-en considération des fonds publics engloutis dans les opérations curatives pour tenter de limiter les conséquences notamment sanitaires de ce fléau, -en considération de la qualité de vie des citoyens des communes sacrifiées dont en haut de liste Hillion,
-en considération de l’avenir de ces jeunes agriculteurs qui s’engagent sur le moyen-long terme dans un système de plus en plus refusé par la population.
Avec un cynisme à peine voilé, c’est bien le technicien de l’environnement de la coopérative en cause qui a déclaré le 16 décembre 2019 « quand les consommateurs voudront du porc sur paille, la COOPERL leur vendra du porc sur paille ». Qu’adviendra-t-il de ces éleveurs surendettés qui viendront grossir le nombre des dossiers d’exploitations en difficultés instruits par l’association « Solidarité Paysan »
Travail de Sisyphe…… travail qui se défait et qu’il faut sans cesse recommencer
2019 est une année record pour les algues vertes sur la baie de Saint-Brieuc : elles sont arrivées précocement et en nombre ! Qui plus est les teneurs en nitrates dans certains cours d’eau ont augmenté.
Face au volume important, le maire de Lamballe-Armor, contraint de fermer une plage se dit désemparé : « comme il y a eu pas mal de problèmes à la fois d’animaux et de personnes, dans ces conditions, on a joué la précaution et on se sent démuni (….) parce qu’avec tous les efforts qui ont été faits, tout l’argent qu’on a mis, arriver à ce résultat nous interroge »…..
La Région Bretagne, face à l’augmentation cette année 2019 des teneurs en nitrates dans certains cours d’eau, et son vice-président soulignant que « 95 % de l’azote qu’on retrouve dans les rivières sont issus de l’activité agricole, donc c’est qu’il y a des choses qui ont été relâchées. Il va d’abord falloir confirmer cette dégradation et puis prendre les mesures qui s’imposeront. On pourra mettre en place des zones sous contrainte environnementale (ZSCE) qui imposeraient des teneurs maximales d’usage d’azote sur les terres agricoles ».
Conclusion : malgré tous les plans mis en place à force d’injection d’argent public, toutes les dispositions visant au renforcement d’actions spécifiques sur la Bretagne, le même constat d’incapacité, le même constat d’inefficacité s’imposent.
Nos associations au travers de l’association HALTE AUX MAREES VERTES continuent à demander que les plans algues vertes décidés à la suite du procès de 2007/2009 soient obligatoires. Car, hélas pour nos deniers publics, pour l’image de notre région, leur mise en place sur la base du volontariat les a vidés de toute chance d’être appliqués de façon généralisée.
Ces déclarations d’un maire, d’un vice-président de la région Bretagne sont reprises dans ce bulletin parce que leur teneur marque une évolution politique notable. Nous continuerons à œuvrer pour obtenir que ces déclarations se transforment en courage politique.
Sachez que le littoral de la Côte de Penthièvre n’est pas préservé……….
Ainsi en est-il à Erquy où elles ont fait leur apparition ; mais pour l’instant les algues vertes ne restent pas échouées, elles sont ramenées au large par les marées.
Ces photos ont été prises sur la plage du Centre le 12 juin dernier et sur la plage de St Pabu le 20 juin suivant.
Par contre il n’en est pas de même au Val André précisément sur la plage du Pissot où l’on a pu constater le 29 juin 2019 une présence importante= d’algues recouvertes d’un dépôt blanchâtre. Photo de dépôts sur la plage du Pissot.
L’échouage d’algues vertes tel qu’on peut le constater sur Erquy n’est pas dangereux pour le moment tant que les algues sont vivantes, bien vertes.
Ainsi que l’avait expliqué en 2009 Alain MENESGUEN directeur de recherche à IFREMER, elles deviennent dangereuses quand elles se décomposent, se dessèchent et forment un dépôt blanchâtre imperméable à l’air. Sous cette couche, les algues en décomposition fabriquent du sulfure d’hydrogène qui attaque les voies respiratoires et peut tuer un homme ou un animal en quelques minutes.