29 Mai 2020
André Pochon Trégueux, le 31 mars 2020
Propositions pour la
réforme de la Politique agricole commune
La réforme de la Politique Agricole Commune (PAC) doit être décisive pour
La réforme doit être d’autant plus décisive que la crise du coronavirus rappelle qu’à ne pas anticiper des risques manifestes, on s’expose à des difficultés potentiellement catastrophiques. Or, en matière de transition écologique, les récentes réformes de la PAC se sont avérées encore et encore trop timorées.
Pour atteindre les objectifs qu’on s’assigne, il importe d’intégrer préalablement le contexte historique de la PAC.
Contexte historique
Au départ, la PAC de 1962 reposait sur une politique de prix garantis fixés chaque année à Bruxelles. Ces prix garantis étaient assurés par une taxe sur les produits agricoles entrant en Europe de telle sorte qu’ils étaient amenés au niveau de celui des prix garantis européens.
Malheureusement – et ce fut une grave erreur initiale – sous la pression des lobbies agro-alimentaires, le soja fut exclu de la taxe. Importé à des prix très bas, le soja provoqua l’effondrement des cultures riches en protéines en Europe : soja, pois, féverole …, et par conséquent notre dépendance totale vis-à-vis de l’Amérique pour l’alimentation en protéines de nos animaux. Mais, plus grave encore, ce soja importé à bas prix fut la cause de l’explosion de l’élevage industriel « hors-sol » de porcs et de volailles, ainsi que de la culture de maïs-fourrage pour l’alimentation des bovins. Nos belles prairies furent labourées ! Ce fut un bouleversement complet qui provoqua le déséquilibre de nos systèmes de production.
L’excédent de viande et de produits laitiers suite à l’importation massive de soja devint inévitable ; ces excédents, exportés après stockage vers les pays en développement, contrecarrèrent l’élevage des animaux dans ces pays, contribuant à la migration des paysans vers les villes et bientôt vers l’Europe. Pour couronner le tout, cette politique coûtait cher. Le budget européen explosa. Première crise.
Une réforme radicale de la PAC eut lieu en 1992. Les prix garantis furent remplacés par des primes à l’hectare et aux bovins/ovins, pour compenser la baisse des prix (ces primes constituent aujourd’hui le « premier pilier » de la PAC). Le revenu des agriculteurs se maintint et les consommateurs bénéficièrent d’une alimentation meilleur marché. Un « deuxième pilier » fut introduit pour encourager des pratiques agri-environnementales optionnelles.
Les primes versées directement à chaque agriculteur (« premier pilier ») eussent pu constituer l’instrument de réorientation de notre modèle de développement. Pour cela, il eût fallu que les surfaces bénéficiant de primes soient limitées par exploitation, et soumises de surcroît à des conditions de bonnes pratiques agrico les (l’agro-écologie). Il n’en fut rien. Les primes distribuées sans limite incitèrent les exploitations à s’agrandir. Accordées sans conditions environnementales, elles rendirent la pollution de l’eau, de l’air, de notre alimentation inévitable tandis que l’excédent d’une production non limitée fit baisser les cours et les revenus. Seconde crise.
En 2005, des paiements verts relevant du premier pilier furent accordés en supplément moyennant trois conditions : 5% de surface d’intérêt écologique ; diversité des cultures ; maintien des prairies permanentes. Cependant, cette conditionnalité environnementale est loin d’être suffisante.
Désormais, il faut que la prime PAC ne soit plus seulement comme en 1992 une prime compensatrice à la baisse des prix mais un moyen d’inciter les agriculteurs à réorienter leurs exploitations tout en freinant les agrandissements.
Insistons sur le fait que les propositions qui suivent ne comportent pas d’interdiction, seulement des incitations, étant entendu que l’argent public (la prime PAC) ne saurait contribuer à autre chose qu’aux objectifs de la politique publique. Ces objectifs correspondent à l’avènement désormais urgent de l’agro-écologie qui, loin d’être un modèle extensif, permet de produire beaucoup au moindre coût.
Voici donc quelques propositions pour éviter une troisième crise et montrer la capacité de l’Europe à résoudre ses dilemmes.
Huit propositions pour le premier pilier de la PAC, cinq pour le deuxième
Premier pilier
Deuxième pilier
Au plus près des effets, l’échelon régional est à recommander notamment pour les mesures agri-environnementales et particulièrement dans les régions hydrologiques sensibles.
Arguments et commentaires relatifs aux propositions
présentés dans le même ordre et en correspondance
Les cultures oléo-protéagineuses et les prairies sont encouragées avec la prime sans limite de surface afin, comme on l’a dit, de promouvoir notre auto-suffisance en protéines.
Le maïs-fourrage est aussi une des causes principales de l’assèchement des nappes phréatiques et des cours d’eau en été, du fait de sa végétation estivale, contrairement aux céréales qui poussent au printemps. Il est donc incohérent d’encourager le maïs-fourrage par une prime. L’herbe s’y substituera et les agriculteurs feront des économies.
Les trois contraintes actuellement imposées sur les paiements verts (5% de surface d’intérêt écologique ; diversité des cultures ; maintien des prairies permanentes) seront reprises dans les conditions générales du premier pilier. Tous les paiements seront désormais verts : une seule condition non respectée entrainera la suppression de toutes les primes.
Scénario d’application de ces propositions
Les calculs présentés dans les tableaux qui suivent présentent le scénario dans lequel les surfaces en prairies, oléo-protéagineux et les surfaces d’intérêt écologique sur l’exploitation sont primées à hauteur de 400 €/ha pour les 25 premiers hectares (primes redistributives), le reste à 200 €/ha.
Les vaches laitières sont primées comme aujourd’hui à 34 €/vache pour les quarante premières. Pour mémoire, les primes dégressives aux vaches allaitantes (elles n’apparaissent pas dans les calculs joints) seront maintenues comme actuellement, soit :
Les surfaces d’intérêt écologique seront au minimum de 10% de la surface totale de l’exploitation et seront primées à hauteur de 400 €/ha ou 200€/ha comme indiqué plus haut. Il s’agit d’encourager et de récompenser le rôle irremplaçable de ces surfaces pour protéger la biodiversité et lutter contre le réchauffement climatique.
De surcroît, il est suggéré pour le deuxième pilier de fusionner les cahiers des charges bio et agriculture durable pour conjuguer leurs atouts: interdiction des pesticides, moins de 12% de la surface fourragère en maïs, alimentation des herbivores à l’herbe principalement.
La prime calculée sur la base du nombre d’actifs, exploitants et salariés, est destinée à compenser la suppression de la prime à la surface céréalière et à encourager l’emploi et l’installation de jeunes agriculteurs pour revitaliser les campagnes françaises. Il est proposé de fixer son montant comme suit :
Au total, si les présentes propositions sont conçues pour soutenir les petites exploitations et les petits élevages aux coûts de production minimaux, elles ne négligent pas pour autant les plus grandes exploitations. C’est ce qui apparaît dans les tableaux qui suivent, d’où ressortent le montant des primes ramenées à l’hectare :
La réorientation des cultures de céréales vers les oléo-protéagineux devrait bénéficier aux exploitations de grande culture dans la mesure où les marchés intérieurs sont plus rémunérateurs et moins fluctuants que les marchés internationaux (la France est actuellement excédentaire en céréales) et où le développement de rotations intégrant les cultures oléo-protéagineuses est de nature à réduire les charges en engrais et en pesticides : tout bénéfice pour le cultivateur qui retrouvera de surcroît la considération des citoyens consommateurs, satisfaits de trouver moins de nitrates et moins de pesticides dans leur alimentation et dans leur environnement.
La balance commerciale gagnera par la réduction des importations de soja mais restera dépendante de la promotion de produits labellisés ou de terroir qui font déjà la réputation internationale de notre pays, tant sur les marchés étrangers que dans le tourisme mondial. L’agriculture autonome préconisée par l’Institut National de Recherche Agronomique (INRA) il y a plus de quarante ans (rapport Poly) est une agriculture compétitive axée sur la haute valeur ajoutée.
Conclusion
Pour mettre en œuvre le Green Deal européen, les innovations agricoles décisives comprennent en France les initiatives suivantes :
Budget
A l’échelon national (France), le budget s’établit comme suit :
Total : 6.127 millions €
Par rapport à ce montant, l’excédent du budget PAC attribué à la France sera versé au deuxième pilier.